Le 29 juin 2019

L’écrivain Vincent Message, qui publiera à la rentrée un roman sur la souffrance au travail, a assisté, pour « Le Monde », aux audiences du tribunal correctionnel de Paris sur le harcèlement moral subi par les employés du groupe. Sa tribune a été publiée le 28 juin 2019 dans le journal « LE MONDE » :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/28/proces-france-telecom-le-regard-du-romancier-vincent-message_5482447_3232.html

De cette tribune très éclairante, je retiens spécialement la conclusion :

« Ce procès est donc celui de la responsabilité indirecte, et c’en est tout l’enjeu. Marquer que le harcèlement moral n’est pas une affaire de « n + 1 », mais de politique d’entreprise. Montrer que, lorsqu’on se focalise sur le duo victime-harceleur, on regarde la réalité par le petit bout de la lorgnette (…) Parce que les faits se sont produits dans une entreprise qui avait une culture sociale, France Télécom présente l’intérêt d’être un cas extrême de souffrance au travail sans en être pour autant un cas caricatural.

L’accompagnement a été très insuffisant, mais il n’a pas été inexistant. La violence est manifeste, mais il n’est pas certain qu’elle ait été voulue. En définitive, ce procès sera utile s’il est l’occasion de remettre en cause une certaine mentalité managériale. La chose a été relevée à la barre par Laurent Zylberberg, qui dirigeait alors les relations sociales : « Nombre d’ingénieurs étaient avant tout des experts en technologie qui ne voulaient pas s’investir en RH. Pour beaucoup d’entre eux, la rationalité d’un projet suffit à en expliquer le sens. »

L’enjeu est de comprendre que la rationalisation économique peut faire d’une entreprise un monstre froid en dépit des personnes qui la dirigent, et même parfois à leur insu, si bien que chaque réorganisation doit faire l’objet d’une attention extrême.

Il ne faut pas se dire que les plus forts suivront, mais se demander ce qu’il adviendra des plus faibles. Le problème est qu’on requiert encore des manageurs une mentalité comptable bien plus qu’un sens de la psychologie (…)

Cette insistance pourtant est l’envers d’un déni. Seriner que l’humain est la valeur la plus haute qu’ils défendent, c’est sous-entendre que ce n’est pas évident – et donc, de fait, que ce n’est pas le cas. Quand on se retrouve à parler de l’humain, alors que cette expression abstraite, globalisante, est aux antipodes de la pensée humaniste, c’est qu’il est déjà tard, que le tocsin sonne déjà. Il faut l’entendre sonner (…)

Le devoir de mémoire, pour les salariés qui ont souffert, pour ceux qui ne sont plus là, c’est d’abord d’empêcher que cette mécanique infernale ne s’enclenche de nouveau – et il faut peser de toutes nos forces, parce que les forces contraires sont de loin celles qui dominent. Respecter les fragilités, enfin. Et prêter l’oreille aux alertes ».

Notre expérience récente nous montre – malheureusement que dans les grandes et moyennes entreprises chez qui nous intervenons, les responsables (DG,DAF, RH, Directeurs Opérationnels) n’ont pas du tout pris la mesure de ces évidences .