Interview « Miroir Social » 27 avril 2020

 

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« Les nouveaux élus des CSE en rodage prennent la vague de covid-19 de plein fouet » – Pascal Delmas

 

Pascal Delmas, des cabinets d’expertises et conseils en santé, sécurité, conditions de travail et relations sociales Social Solutions et Partenaires et MLC ERGO, forme et accompagne les représentants des salariés. Il se montre pessimiste sur la capacité des représentants du personnel à faire contre-poids.

 

Il n’y a pas de bon moment pour une crise pandémique mais la vague du covid-19 est arrivée à un moment où les élus des CSE était en rodage. Étaient-ils prêts ?

 

La mise en place des CSE a été très tardive. Pour la plupart, ils ont été instaurés au second semestre 2019 et au début 2020 et beaucoup d’élus en ont découvert le rôle. Il y a eu un profond renouvellement, en particulier grâce à la loi sur la proportionnalité des sexes. Ainsi, plus de 80 % des 350 représentants que nous avons formés au CSE  en 2019 n’occupaient pas de mandat précédemment. Beaucoup d’élus n’étaient pas prêts à faire face à la vague du covid-19, notamment sur le sujet de la santé au travail avec des CSE qui n’ont pas démarré réellement à fonctionner en matière de SSCT  et cherchent leur juste place. Le dialogue social au sein des CSE (qui était déjà balbutiant avant la crise) s’est subitement arrêté du fait du confinement – en dehors de la mise en place de l’activité partielle – , ce qui témoigne de l’importance qui lui est accordée par des directions focalisées sur les plans de continuité d’activité et le chômage partiel. Il y a un paradoxe à constater le décalage entre la réalité des CSE et le besoin d’avoir des instances installées et fortes dans le contexte de cette crise sanitaire. Le sujet ressurgi à l’occasion des modalités d’évaluation des risques professionnels lors du déconfinement où le CSE n’est pas réellement associé aux dispositifs que l’employeur doit prévoir pour assurer son obligation de sécurité

 

Les fondements vacillants de ce dialogue social ne sont pourtant pas nouveaux…

 

En effet, il suffit de constater l’indigence des BDES censées être en place depuis six ans pour mesurer l’importance que les directions accordent au partage des informations essentielles avec les représentants du personnel. En la matière, le résultat est catastrophique. La très difficile capacité à intégrer le risque pandémique dans le document unique d’évaluation des risques illustre tout autant la réalité du dialogue social. L’activité des CSE en matière SSCT est au point mort et ce constat vaut autant pour les PME que pour les grandes entreprises.

 

Vous semblez donc modérément croire à un nouveau souffle du dialogue social qui serait porté par cette crise pandémique ?

 

La crise sociale s’annonce d’une ampleur inégalée avec un grand nombre de PSE et d’accords de performances collectives que les directions commencent à mettre sur la table. Les conditions de travail risquent en outre d’être les oubliées de ces négociations où les représentants des salariés ne seront pas en mesure de faire contre-poids.