lu  pour vous l’étude de Sylvie Hamon-Cholet/ Joseph Lanfranchi  / Ceet – Centre d’études de l’emploi et du travail  parue en juin 2019, et notamment leurs conclusions qui nous paraissent très fondées et intéressantes, le sujet étant peu traité…

« Les variables les plus explicatives du présentéisme en France sont d’abord à rechercher dans les indicateurs décrivant les conditions et l’organisation du travail, plutôt que dans les variables sociodémographiques. Certaines de ces dernières sont toutefois fortement corrélées au présentéisme, le fait d’être une femme, de posséder une éducation secondaire ou supérieure, la présence d’enfants, un âge correspondant à un début et un milieu de carrière.

On constate ainsi que le présentéisme est un phénomène assez marqué en termes de qualité de vie au travail.

Il est ainsi corrélé d’abord à une charge de travail élevée, à de fortes contraintes de temps, de rythme ; ensuite, il est aussi lié à l’absence d’autonomie, de latitude décisionnelle.

Cette combinaison ressemble aux deux forces principales du modèle dit de Karasek dont l’enseignement principal est de montrer que charge de travail et absence de latitude décisionnelle créent un risque de stress et à terme des maladies plus graves (Karasek et Thoerell, 1990).

À l’identique, la troisième dimension du modèle de Karasek étendu, le soutien social des collègues et des superviseurs, qui vient parfois atténuer la combinaison délétère charge de travail-faible latitude décisionnelle, apparaît limiter également la fréquence du présentéisme.

Le phénomène du présentéisme, empêchant les salariés de prendre soin d’eux-mêmes, de se reposer lorsqu’ils sont malades serait peut-être dans ce modèle de Karasek l’un des vecteurs de la transformation du stress et de la fatigue en maladies, coronariennes par exemple, plus graves.

Une autre interprétation possible est de considérer que le présentéisme survient comme la conséquence du stress sur la santé et provient donc de celle-ci. Définir si le présentéisme agit comme un médiateur de la combinaison charge de travail/faible autonomie vers la maladie est une question ouverte pour la recherche future.

Si les organisations productives ont pour but de limiter le phénomène de présentéisme, ces résultats suggèrent que les employeurs devraient considérer comment limiter la charge de travail imposée aux salariés et leur concéder une véritable autonomie de décision dans l’organisation de leur travail au jour le jour. En particulier, cette attention nous semble nécessaire pour envisager de rendre soutenables certaines conditions de travail.

Dans les dimensions qui caractérisent la faible qualité de vie au travail, l’insécurité du travail est également corrélée au présentéisme des travailleurs, tandis qu’au contraire les indicateurs d’un travail intéressant, comme d’un travail bien reconnu, incitent les travailleurs à s’absenter lorsqu’ils sont malades. On retrouve peut-être là les effets d’une corrélation entre la complexité des tâches, le sentiment de reconnaissance et la générosité de la compensation salariale directe, comme en cas d’absence, qui permet au salarié de choisir le repos en cas de maladie.

Enfin, les résultats obtenus confirment que la variable possédant le plus fort poids explicatif du présentéisme du travailleur est son état de santé. Les exercices de robustesse que nous avons réalisés nous permettent ainsi de mettre en évidence que certaines conditions de travail difficiles jouent directement comme indirectement par le truchement de la détérioration de la santé sur l’excès de présence au travail ».