Plus d’un an et demi après la mise en place par la loi dite « REBSAMEN », du 18 août 2015 qui institue, en remplacement des consultations obligatoires précédentes des CE/DUP formellement 3 consultations bien distinctes à compter du 1er janvier 2016:

  • sur la stratégie de l’entreprise et sur ses conséquences,
  • sur la situation économique et financière de l’entreprise
  • sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploiIl est tentant de poser un premier « retour d’expériences » sur cette nouvelle « donne sociale » et sur les pratiques réelles des Directions comme des institutions représentatives du personnel. Notre cabinet, en support et partenariat avec des cabinets d’expertise comptable, a proposé dès le mois de mai 2016, une grille d’analyses et de décryptage de cette PSCTE et a pu réaliser 6 expertises dans des entreprises, généralement filiales de groupe, de 70 à 300 personnes dans des secteurs d’activité aussi différents que le médico-social (EHPAD), la plasturgie, la chimie alimentaire, une mutuelle, un hypermarché, l’industrie solaire.

    Alors qu’il faut rappeler que la tendance légale est depuis 2014 de favoriser le dialogue social au plus près du terrain afin de favoriser des accords d’entreprise pouvant, sous certaines conditions, déroger aux accords de branche voire à certaines dispositions légales, en contrepartie d’une transparence en termes de données économiques, sociales notamment, nous avons observé :

  • que la BDES qui aurait dû être mise en place depuis mi-2014 ou mi-2015( (suivant les effectifs) dans ses modalités principales ( la loi EL KHOMRI d’août 2016 ayant eu un impact marginal sur ces questions), a été conçu par les DRH comme un « outil » et non en pensant à sa finalité profonde (favoriser le dialogue, fluidifier les échanges en contrepartie de délais préfix de consultations….) et à ce que cela impliquait réellement ( mettre en perspective les conséquences économiques et sociales de la stratégie présentée et sa traduction au quotidien).
  • que de ce fait, à la fois sur le fond (conformité au décret de 2014 et à la circulaire….), dans les 6 cas examinés, la non-conformité était flagrante à 100% : contenu très imparfait, conditions d’accès non respectueuses du texte, défaut de structuration par rapport à l’objectif,
  • que sur les 3 consultations rappelées ci-dessus qui auraient dues être mises en place dans l’année 2016, dans 100 % des cas, celle sur la stratégie n’avait pas eu lieu ou, si elle avait été tentée, l’information donnée était très largement insuffisante, non formalisée,
  • que les élus dans tous les cas rencontrés n’avaient pas été formés ou / et informés sur le changement de règles sociales et étaient restés sur une version « rétroviseur » des consultations antérieures ( avis donné dans le 2ème semestre de l’année N sur les comptes de l’année n-1 ou sur le « bilan social » de l’année n-1 ) alors que, selon nous, le dialogue social doit se construire sur des données actuelles, réactualisées, mises à jour fréquemment et surtout dans une perspective d’avenir (en quoi la PSCTE menée actuellement répond-t-elle à la vision stratégique à 1/ 2/3 ans du dirigeant ?)
  • qu’il faut militer afin d’avoir une vision large de la notion de « conditions de travail » afin de favoriser un dialogue entre IRP (CE/DP/CHSCT),
  • que dans tous les cas examinés, les Directions comme les élus découvrent ce que peut signifier « l’employabilité », obligation aussi importante, selon nous en termes de gestion des ressources humaines que l’obligation de sécurité en matière de conditions de travail,
  • que les obligations en termes d’évaluation des charges de travail, de modalités de consultation réelle des CHSCT sont largement « hors cadre légal ». , ce que l’expertise révèle crûment,
  • qu’aucune Direction n’avait initié une négociation sur les nouvelles modalités du dialogue social (pouvant convenir tout à la fois d’un calendrier pluriannuel de négociations, du contenu et de l’utilisation de la BDES, des modalités et rythmes de consultation des IRP)En conclusion, la mise en place de cette expertise est un puissant révélateur des conditions réelles de communication et de partage sur la vie de l’entreprise et que le chemin est encore long à parcourir qui pourrait conduire à pouvoir négocier « au plus près du terrain » à partir du moment où les « basiques » ne sont pas respectés.

    Ceci est d’autant plus gênant pour les Directions en 2017 dans l’hypothèse où elles auraient la nécessité de consulter sur des « projets importants » de l’entreprise ayant un impact potentiel sur l’emploi ou/ et les conditions de travail. Les défaillances relevées et notées ci-dessus pourraient être alors des freins puissants aux projets de transformation et donc aux contraintes de flexibilité et de rapidité souvent imposées lors des changements d’organisation (une BDES non conforme, non communiquée pourrait être handicapante par-delà même les risques de délit d’entrave). Il serait dommageable alors que ce

    « nouveau dialogue social » se traite en « référés », se « judiciarise à l’excès », afin d’exiger les informations dues aux IRP et surtout nécessaires à la correcte appropriation des enjeux économiques et sociaux.