« Les conditions de travail n’ont pas seulement un effet sur la santé mentale et physique des personnes, elles peuvent aussi influencer la santé démocratique du corps social » (Thomas Coutrot –étude DARES «  travail et bien être psychologique » mars 2018) et « la gestion encore trop tayloriste des entreprises françaises a sa part de responsabilité dans la révolte actuelle » (« Le Monde » Annie Kahn chronique publiée le 14 décembre 2018) le fait de faire ce lien parait de plus en plus évident selon nous :

« Plusieurs philosophes et économistes, cités par Thomas Coutrot, économiste à la Dares, dans son étude « Travail et bien-être psychologique »  montrent qu’il existe bien un lien entre l’organisation du travail et les comportements politiques des travailleurs.

Le management à la française continue d’être très marqué par les méthodes du type « command and control », qui consistent à donner des ordres – sans forcément les motiver –, et à en contrôler l’exécution. « On constate, en France, une plus grande présence d’organisations tayloriennes du travail très hiérarchisées, à la différence d’organisations apprenantes scandinaves », observe Dominique Méda, professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine.

Une étude Eurofound sur l’organisation du travail et l’implication du personnel dans les entreprises des 27 pays de l’Union européenne, publiée en 2013, montre que les Français ont beaucoup moins leur mot à dire dans leurs entreprises que dans la moyenne des pays de l’Union. « En France, toutes choses égales par ailleurs, on a presque quatre fois moins de chances de travailler dans une entreprise “hautement impliquante” qu’au Danemark », ont calculé les auteurs de cette étude. Et cela qu’il s’agisse de la façon d’exécuter le travail ou de l’organiser.

Manque de considération managérial et inégalités financières renforcent ce sentiment de manque de reconnaissance, de respect. Or « les violations de la dignité humaine exacerbent les conflits », explique Donna Hicks, professeure à l’université Harvard, dans Leading with Dignity (Yale University Press). L’Américain Robert Fuller, en soulignait les effets délétères dans Somebodies and Nobodies : Overcoming the Abuse of Rank (New Society Publishers, 2003). « Un environnement digne implique de payer les gens de façon équitable, d’être transparent, de juger inacceptable de licencier ou de démotiver des gens qui disent ce qu’ils pensent », précisait-il.

Ces signes matériels ou immatériels sont d’autant plus mal ressentis par les Français qu’ils sont plus de 67 % à juger leur travail « très important », contre 45 % des Anglais ou Néerlandais et 48 % des Allemands, comme l’indique Dominique Méda dans Le Travail (PUF, 2015). Le management encore trop tayloriste, pas assez participatif, en vigueur dans nombre d’entreprises françaises, pourrait donc bien avoir sa part de responsabilité dans la révolte actuelle.

De fait, l’étude déjà citée de Thomas Coutrot démontre « l’existence de liens entre l’organisation du travail – et particulièrement le manque d’autonomie dans le travail – et les comportements électoraux ». Il faudrait donc mettre au centre du développement du « dialogue social » les problématiques et les solutions abordées dans le cadre des méthodes de résolution des « situations problèmes » en matière de santé- sécurité- conditions de travail prônées par l’Agence Nationale d’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT)